Chronique de la vieille entrée

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Photographie - Crédit(s) : Création graphique : Juliette Cavé. Saint-Nazaire Agglomération Tourisme

Pendant 50 ans, l’entrée Est demeure l’unique accès au port de Saint-Nazaire.

L’activité y est intense. Cap-horniers, paquebots transatlantiques et navires marchands franchissent régulièrement ses deux écluses. Le contexte est propice à l’internationalisation des échanges. Bois, charbon, nitrates, guano… Saint-Nazaire est principalement un port d’importation.

En 1860, quatre ans seulement après son ouverture, 117 navires de tous types sont comptabilisés dans le bassin ! Une véritable forêt de mâts se mêle aux échafaudages d’une ville en pleine expansion.

Photographie - Huile sur toile de Jacques Alfred Brielman réalisée en 1876 représentant le projet d'extension du port de Saint-Nazaire.

Crédit(s) : Peintre : Jacque Alfred Brielman. Collection de la Chambre de commerce et d’industrie de Saint-Nazaire. Cliché Gilles Luneau.

L’entrée est constituée de deux écluses. La plus petite, au premier plan, possède un sas de 13 mètres de large et 60 mètres de long qui permet l’essentiel des passages. La deuxième, large de 25 mètres, est un accès simple utilisable seulement lors de la marée haute. Elle est réservée aux grands navires.

Avant la construction de l’usine élévatoire en 1911, les écluses restent ouvertes aux hautes eaux pour remonter le niveau des bassins. Ce système nécessite un dragage constant pour évacuer la vase et le sable.

Photographie - Les écluses de l'entrée Est du port donnant sur le bassin de Saint-Nazaire vers 1900. À l'arrière-plan à gauche le paquebot La Navarre (1893) à quai.

Crédit(s) : Photographe : inconnu. Éditeur : L.B. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

L’entrée Est est pourvue de deux jetées en bois qui servent au transbordement des marchandises et à l’embarquement des passagers du bac de Saint-Brévin. Leur présence protège les navires de la houle et du vent pendant les manœuvres.

Situées près du vieux bourg et d’un jardin public, elles sont un lieu de promenade pour les habitants. Depuis la jetée Sud, face au vieux môle, badauds et élégantes de la Belle Époque contemplent l’activité portuaire.

Photographie - Des badauds flânent sur l’estacade sud de l’entrée Est du port, vers 1900.

Crédit(s) : Photographe : inconnu. Éditeur : A.D. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

Positionnée perpendiculairement à la Loire, l’entrée Est nécessite des manœuvres délicates pour pénétrer dans les bassins. En face, de l’autre côté du bassin, une darse – ou bassin d’évitage – facilite les déplacements des navires.

Sur la seule période de 1846 à 1858, le tonnage des navires connaît une hausse de 168 %. En trente ans, le grand sas devient rapidement inadapté aux navires les plus récents. Peu profond, il contraint certains bâtiments marchands à rester en rade, dans l’attente d’une marée plus favorable.

Photographie - Arrivée d'un paquebot de la Compagnie Générale Transatlantique, probablement le Versailles (1889), par une écluse de l'entrée Est du port de Saint-Nazaire.

Crédit(s) : Photographe : inconnu. Éditeur : inconnu. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

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Photographie - Crédit(s) : Création graphique : Juliette Cavé. Saint-Nazaire Agglomération Tourisme

En 1881, l’ouverture du bassin de Penhoët aggrave l’engorgement de l’entrée Est. Cette entrée unique ne répond plus aux exigences de navires toujours plus nombreux et toujours plus grands. Le projet d’une nouvelle entrée est adopté en 1896. Elle est indispensable pour que le port et les chantiers navals conservent leur importance sur la scène nationale.

Onze années de travaux sont nécessaires pour creuser et aménager le nouvel accès à travers le vieux bourg. Deux jetées en pierre prolongent l’ouvrage pour former un avant-port. La physionomie de la ville d’origine et du front de mer est bouleversée.

Photographie - Plan de la ville de Saint-Nazaire en 1905.

Crédit(s) : Cartographe : M. Aoustin. Ingénieurs : M. D. Guillou, M. L. Boumard. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

L’entrée Sud est inaugurée le 23 septembre 1907 avec le départ du paquebot La Champagne. Pour l’occasion, plusieurs ministres ont fait le déplacement. Pendant trois jours, la fête bat son plein : pavoisement des bassins, bals, lancement de ballon, défilé historique…

Ces réjouissances marquent le déclin progressif de l’entrée Est réservée aux navires de servitudes, de pêche ou de plaisance. Elle est désormais surnommée la « vieille entrée » en opposition à la « nouvelle » : plus longue, plus large, plus directe.

Photographie - La foule assite au départ du paquebot La Champagne (1886) dans l’entrée Sud lors de son inauguration en septembre 1907.

Crédit(s) : Photographe : inconnu. Éditeur : inconnu. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

L’heure de la Première Guerre mondiale a sonné. La modernité des infrastructures portuaires fait de Saint-Nazaire le premier port de débarquement du corps expéditionnaire américain en juin 1917. Progressivement, la ville est transformée en base logistique d’importance. Les doughboys repensent et complètent les voies ferrées portuaires afin d’acheminer les milliers de tonnes de matériels débarqués.

La grande écluse de l’entrée Est, inutile, devient un obstacle. Le service du génie américain et les Ponts et Chaussées français la couvrent d’un pont pour la franchir aisément.

Photographie - Travée fixe en charpente de bois posée au-dessus du grand sas de l’entrée Est. L’ouvrage est complété par une travée tournante sur la petite écluse.

Crédit(s) : Photographe : Signal Corps (U.S.A.). Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée. Fonds Archives de guerre

À l’entre-deux-guerres, le port est de nouveau confronté à l’augmentation incessante du tonnage des navires. Les enjeux sont cruciaux pour l’avenir de la construction navale. Une troisième entrée gigantesque – 350 m de long, 53 m de large et 16,50 m de profondeur – est creusée entre le bassin de Penhoët et l’estuaire. À la fois forme et écluse, elle permet l’armement et le passage des navires.

L’entrée Est se retrouve ainsi dans l’ombre de cette imposante voisine et des géants qui viennent s’y loger, à l’image du paquebot Normandie.

Photographie - Vue aérienne du paquebot Normandie (1935) dans la forme-écluse Joubert du port de Saint-Nazaire, vers 1933.

Crédit(s) : Photographe : Alex Bernard. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

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Photographie - Crédit(s) : Création graphique : Juliette Cavé. Saint-Nazaire Agglomération Tourisme

Convoité pour ses infrastructures dont la forme-écluse, le port devient une base stratégique de l’armée allemande à partir de juin 1940.

Un immense bunker est construit sur la darse du premier bassin afin de protéger et ravitailler les sous-marins allemands. Ceux-ci mènent une bataille acharnée dans l’Atlantique. Leur présence constitue un objectif militaire pour les forces alliées qui multiplient les bombardements sur le port et la ville.

Photographie - Début 1942, un soldat allemand surveille le port depuis le toit du terminal frigorifique quai du Commerce. À l’arrière-plan, l’entrée Est n’est pas encore fortifiée.

Crédit(s) : Photographe : inconnu. Collection particulière August Scharpfenecker. Cliché Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

Depuis le début de la Seconde Guerre mondiale, les entrées et sorties des U-boote se font par l’entrée Sud. L’immobilisation à ciel ouvert des submersibles présente un risque important en cas d’attaque aérienne. L’augmentation des bombardements et le raid britannique Chariot, visant les infrastructures du port, forcent l’armée allemande à imaginer un passage protégé. Les regards se tournent vers la vieille entrée.

Photographie - Des soldats allemands assistent au passage d’U-Boot, diminutif d’ « Unterseeboot », « sous-marin » en allemand, dans l'entrée Sud.

Crédit(s) : Photographe : inconnu. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée. Fonds Harald Wiedenhofer.

Devenu obsolète, le grand sas de l’entrée Est est partiellement comblé depuis 1938. L’armée allemande décide de le rouvrir. Pour le protéger, il est couvert d’un immense bunker : 151 m de long, 33 m de large et 16 m de haut.

L’écluse fortifiée est pensée comme une extension de la base sous-marine et de son système défensif.

Photographie - Dessin colorié de Jean Delpech représentant l’écluse fortifié du port de Saint-Nazaire en 1945

Crédit(s) : Dessinateur : Jean Delpech © ADAGP, Paris 2023. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

Sur le toit de l’écluse fortifiée, une cloche blindée dotée de deux mitrailleuses couvre la totalité de la zone portuaire. Des portes et volets blindés protègent les différents accès.

À l’intérieur, côté Nord, des locaux sont aménagés : entrepôts, cuisine, salle des pompes, casernement…

Terminée en 1944, elle est peu utilisée. Seuls trois sous-marins allemands la fréquenteront. En cause : l’arrêt des bombardements alliés après juillet 1943 et des problèmes d’étanchéité.

Photographie - Coupe représentant l’écluse fortifiée en 1944.

Crédit(s) : Création graphique : Juliette Cavé. Saint-Nazaire Agglomération Tourisme

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Photographie - Crédit(s) : Création graphique : Juliette Cavé. Saint-Nazaire Agglomération Tourisme

Initié dans la deuxième moitié du 19e siècle, le service régulier de traversée en bac entre Saint-Nazaire et Saint-Brévin reprend après-guerre. En mai 1948, une nouvelle gare maritime est inaugurée devant l’entrée Est. Touristes et travailleurs embarquent à bord du Portland Road et du Saint-Christophe II.

La démocratisation de la voiture cause la fin de cet embarcadère. Il est remplacé par un autre, adapté aux bacs amphidromes, sur le plateau du Petit Maroc

Photographie - Des passagers embarquent à bord du bac Portland Road pour la traversée jusqu’à Saint-Brévin devant la gare maritime de Saint-Nazaire.

Crédit(s) : Photographe : inconnu. Éditeur : Europe-Pierron. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

Un an avant son remplacement, l’embarcadère de la vieille entrée connaît son heure de gloire avec le passage du 45e Tour de France, le 4 juillet 1958 ! Pour cette 9e étape partie de Quimper, le coureur André Darrigade s’impose. Le lendemain, de nombreux spectateurs viennent assister à l’embarquement des coureurs et de la caravane publicitaire.

Photographie - Les coureurs cyclistes du Tour de France embarquent à bord du bac Portland Road pour la traversée de Saint-Nazaire à Saint-Brevin lors de l’étape du 5 juillet 1958.

Crédit(s) : Photographe : inconnu. Collection particulière Fernand Maurin. Cliché Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

En 1948, une nouvelle criée est construite sur le plateau du Petit-Maroc.

Avant de pouvoir y vendre leur pêche du jour, les marins patientent dans le sas de la petite écluse pour atteindre les quais du bassin de Saint-Nazaire. Au menu : soles, sardines, daurades ou encore crevettes roses… Après-guerre, plusieurs projets de développement d’un port de pêche ont été étudiés. Aucun n’a finalement abouti.

Photographie - La foule assiste à l’éclusage des navires de pêche dans l’entrée Est, années 1960.

Crédit(s) : Photographe : inconnu. Éditeur : Jos Le Doaré. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

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Photographie - Crédit(s) : Création graphique : Juliette Cavé. Saint-Nazaire Agglomération Tourisme

Dès l’après-guerre, la vocation touristique de la ville s’affirme. Le bord de mer est un atout et les chantiers navals attirent les curieux. En 1967, le syndicat d’initiative ouvre le toit de l’écluse fortifiée sous le nom de « terrasse panoramique ». Pour 1 franc, les visiteurs profitent d’une vue imprenable sur l’estuaire, les chantiers et le port. Un bar permet de prolonger la visite. Le succès est au rendez-vous avec 40 000 personnes accueillies durant la première saison.

Photographie - Le jardin et la terrasse du toit de l'écluse fortifiée en août 1984.

Crédit(s) : Photographe : Gilles Luneau. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée

En 1986, l’intérieur de l’écluse fortifiée fait aussi l’objet d’un projet touristique. Une salle d’exposition temporaire est aménagée pour le futur Écomusée qui ouvrira sur l’autre rive de l’entrée Est. Nazairiens et touristes y découvrent « Saint-Nazaire, port de guerre » en 1987, « Les années 1950 à Saint-Nazaire » en 1993 ou encore « Tintin, Haddock et les bateaux » en 1999.

Photographie - Des visiteurs dans l’exposition « Les années 1950 à Saint-Nazaire » présentée par l’Écomusée en 1993 à l’écluse fortifiée.

Crédit(s) : DM1_EXPO-ENTREE-EST_113.2-270

Un an plus tard, c’est au tour du grand sas de se refaire une beauté. Envasé depuis des années, il est dégagé et réaménagé pour servir d’écrin au sous-marin Espadon. Pour la deuxième fois de son histoire, il est remis en eau.

L’écluse fortifiée, quant à elle, retrouve sa fonction originelle : protéger un sous-marin. Mais cette fois-ci, c’est un sous-marin français datant de la guerre froide.

Photographie - Travaux de rénovation et d’aménagement de l'écluse fortifiée en 1987 avant l’arrivée du sous-marin Espadon.

Crédit(s) : Photographe : Dominique Macel. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée.

Admis au service actif en 1960 sous le numéro S637, le sous-marin Espadon appartient à la Marine Nationale. Pendant 25 ans, il navigue sous les océans, des côtes africaines au pôle Nord, réalisant diverses missions de surveillance.

En 1985, il est sauvé du démantèlement par la Ville de Saint-Nazaire. Pour la première fois en France, un sous-marin est démilitarisé et transformé en musée. Il accueille ses premiers visiteurs en juillet 1987.

Photographie - Manœuvres dans l'écluse fortifiée lors de l'installation du sous-marin Espadon. Il est inauguré en juillet 1987 avec l’exposition « Tous à bord ! Mille Sabords ! ».

Crédit(s) : Photographe : Dominique Macel. Collection Saint-Nazaire Agglomération Tourisme – Écomusée. / Collection Archives municipales de Saint-Nazaire.

Aujourd’hui, l’entrée Est demeure un lieu de visite et de promenade apprécié des Nazairiens et des vacanciers. L’écluse fortifiée, le sous-marin Espadon, EOL – centre éolien et la terrasse panoramique sont des atouts majeurs pour la destination touristique et culturelle. Le petit sas de l’entrée a été modernisé et continue d’accueillir pêcheurs et plaisanciers.

Sur le quai de Kribi, quai principal de l’entrée, plusieurs pontons ont été installés en 2021. À quelques mètres de là, derrière l’Écomusée, la base-vie du chantier de construction de parc éolien en mer de Saint-Nazaire s’anime.

Véritable trait d’union entre la terre et la mer, la « vieille » entrée n’est pas prête de se faire oublier !

Photographie - Crédit(s) : EXPO PHOTO ENTREE EST - Ecluse fortifiée 2021